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Les marins du mois

Christian et Marie Jo​

 

La navigation à deux ? Avec une femme ? La sienne ? Si c’est possible ? Je ne peux pas vous dire…
En ce qui me concerne, j’ai déjà dû vous le dire, ça fait plus de quarante ans que mon équipière favorite partage ma cabine.

De notre premier voilier, un Prélude sur plans Proctor de 5,98 m, jusqu’à aujourd’hui le Voyage 12,50, en passant par les catamarans et autres voiliers, elle a toujours navigué avec moi.
Même dans mes affaires elle était à la manœuvre. Pendant plus de vingt-cinq ans elle a été ma secrétaire-comptable, et ça n’a pas toujours été facile ! Un patron qui couche avec sa secrétaire ce n’est pas évident à gérer ! Il a fallu établir des règles strictes et incontournables. Au travail on ne parlait pas maison, à la maison, on ne parlait pas travail. Nous nous sommes toujours, toujours, tenus à cette règle. Je pense que c’est ce qui a contribué à maintenir notre couple en bon état.

​Quand je dis qu’elle a toujours navigué avec moi ce n’est pas totalement exact. Marie Jo n’est pas particulièrement amoureuse du bateau.

Je crois que la seule chose qui lui fait supporter le voilier, c’est qu’elle m’aime encore un peu. A chaque départ, la crainte s’installe chez elle et il faut attendre la fin de la première journée pour qu’elle s’habitue et qu’elle reprenne confiance. Quatre ou cinq nuits en mer ça passe encore, mais elle n’a pas envie d’en faire plus. Aussi pour les traversées plus importantes, elle reste en France et me rejoint aux escales en avion.

Et pourtant, je me souviens que c’était elle qui barrait la nuit ou elle a couché le ketch de vingt mètres et cinquante tonnes dans des creux de plus de trois mètres en rentrant de Tunisie. La mer est rentrée dans le cockpit et les winchs se sont retrouvés sous l’eau elle a fait ouf, et ça s’est arrêté là.

Maintenant, nous ne sommes pas exceptionnels, nous avons rencontrés au cours de nos voyages pas mal de vieux couples qui naviguent ensemble depuis quarante ans et plus. C’est toujours très instructif et les jeux de complicités sont  souvent très drôles.
Ah ! Il y a une chose PRIMORDIALE sur un bateau : tout aussi poilu qu’il soit, le mâle ne doit pas se prendre pour Dieu le Père. Crier sur qui que ce soit n’a jamais fait avancer un bateau, ou réussir une manœuvre ! J’ai toujours pensé que le type qui tient la barre en aboyant sur sa moitié qui effectue le plus dur de la manœuvre, n’est qu’un goujat néanderthalien, et que sur ces deux-là, il n’est pas certain que ce soit la femme qui soit de trop à bord !!
Pour l’anecdote, je me souviens de cet éléphant qui « naviguait » une fois avec sa femme et une fois avec sa maitresse. Son comportement n’était pas le même avec les deux. Quand il couvrait sa femme d’injures parce que la pauvre ne saisissait pas la bouée que cet abruti n’avait pas suffisamment approchée, la semaine suivante, il minaudait des gracieusetés à sa jeune maitresse tout en faisant la vaisselle ! Le blaireau ! 
Oui je pense qu’une femme a toute sa place à bord. Elles ne sont pas cantonnées à la cuisine. De plus messieurs, si vous voulez un peu vous y mettre, vous seriez surpris de découvrir en vous un Troisgros ou un Bocuse caché !

Allez ! Encore une anecdote. Au Brésil, un propriétaire de voilier que la légitime devait rejoindre par avion, avait invité une splendide autochtone caramélisée à passer quelques jours à son bord, persuadé qu’il était, de pouvoir s’en débarrasser avant l’arrivée de sa femme…. Les grands frères de la jolie demoiselle ont vu cela tout autrement !

Pour conclusion, j’engage toutes les femmes, oui ben tous les hommes aussi, bien sûr, qui ont envie de vivre les derniers moments de liberté sur le dernier endroit pas trop réglementé de prendre leur bateau et de FOUTRE LE CAMP !..

 

Voyez-vous, j’ai usé quelques fonds de pantalons de quart, sur des bancs de cockpit. Le plus souvent en solitaire. Pourquoi en solitaire, parce que en fait je n’ai pas le goût des engueulades de propriétaires « pognonnés » mais pas forcément compétents! J’ai essayé, sur des bateaux de gens plus ou moins fortunés.

Ca a rarement marché !
La pratique de la voile n’est pas compatible avec les emmerdements de la vie de gens stressés.

Ceux qui pensent s’extraire de leur quotidien de coureur de sous, en s' installant à la barre d’un magnifique Swan, et en exigeant d’un équipage qu’il fasse ce que n’importe quel gamin ne ferait pas à la barre de son optimiste, se trompent !

En général, ces gens-là, enMustoisés de couleurs riches et voyantes, perdent leur sang-froid et le sens des convenances : 1°) sur la ligne de départ, 2°) au passage des bouées, et 3°) à la lecture des résultats.

​En effet, ils ne comprennent pas, et ne comprendront jamais pourquoi leur voilier armé comme un porte-avions américain, à grands coups de chéquier, se retrouve loin derrière ce couillon de Le Draventec à la barre de son vieil Arpège !

Je reviens un instant sur votre violon d’Ingres…

Croyez-vous que le « besoin d’expression » ou d’ « affirmation de soi » soit un facteur commun à la plupart des candidats au départ ?

Pourquoi on part, aujourd’hui ?

Pourquoi est-on si tentés de quitter la salle de classe au milieu du cours ?

Il est hors de question pour moi de dénier aux riches le droit de naviguer et de courir.

Pour avoir construit des voiliers, je sais reconnaître d’où sortent les sous. Mais N.. de D…, que j’aime me farcir sur l’eau, tel ou tel propriétaire de BMW mal garée qui empêche ma vielle Peugeot de sortir ! Allez, je m’égare…


J’écris  pour tout ça, pour raconter toutes ces choses qui ont marquées ma vie. Tiens ! Par exemple : La différence entre une course en solitaire et une course en équipage, c’est que le soir aux étapes, les solitaires bringuent tous ensembles !

Alors j’écris. Le soir, quand le quart s’éternise, que la grosse lune toute rouge met le feu à l’océan, quand les poissons volants argentés montent à bord sans y avoir été invités, bah ouais, j’ai envie de le raconter à mes petits-enfants. Ils ne le liront peut être pas, je n’en sais rien, mais j’aurai laissé une petite trace sur l’eau.


Tous les « vieux » devraient écrire pour leurs petits-enfants, qu’ils soient marins ou paysans. La transmission est tellement plus belle quand elle vient du cÅ“ur. Nous sommes les derniers à avoir connu la vapeur et la traction animale. Aussi, avant de partir, embarquez votre mémoire, car les nuits sont longues sur une traversée. Profitez de ce temps incompressible ou le ciel rempli d’étoiles éclaire  la feuille ou vous écrivez vos souvenirs.

Et puis des souvenirs… Ben on s’en fait d’autres ! C’est comme les amis !

 


Inspiré par le thème des relations de couple en bateau, notre ami-Marin du mois précédent, René, ne semblait pas trop croire à la possible égale-répartition des tâches du bord,  entre un homme et une femme… Et observait néanmoins qu’il était essentiel pour l’un comme pour l’autre de pouvoir « ramener le bateau » en cas de pépin.
Vous avez une idée de  la voie la plus sûre, vers l’harmonie de l’équipage, à bord ?

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