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 maisons à voiles



Les habitants des mers
La redac : Une tendance naturelle, selon vous...
Il y a des femmes plus ou moins masculines, plus ou moins attachées au confort et au sentiment de sécurité. Le bateau donne peu de l'un et de l'autre. Le confort, même sur un bon voilier, reste entravé par les contraintes nées de la vie en autarcie. Le sentiment de sécurité dépend étroitement de la connaissance que l'on a de la machine, et de comment elle fonctionne. Devenu indépendant (relativement, bien sûr) des facilités qu'offre la vie terrienne, le plaisancier au long cours découvre qu'il ne dépend plus que de soi, et des moyens qu'il met lui-même en oeuvre. L'impression de "travailler sans filet de sécurité" peut se révéler assez angoissante. La satisfaction de "réussir" (faire route, arriver, résoudre un problème) compense, souvent au-delà , les difficultés rencontrées. Les femmes (je parle en général) ressentent-elles ces satisfactions ? Il faut pour cela qu'elles se sentent à égalité dans la maîtrise de la locomotive.

La redac : Le sujet vous inspire ! S'épanouir à bord en couple nécessite un sérieux mode d'emploi... Ou une belle remise en question des rôles de chacun ! L'égalité des sexes en bateau : on y croit ?
C'est rarement le cas. La Nature (la vilaine !) a plus ou moins programmé chacun des sexes pour être plus performant dans des domaines sensiblement différents. Je sais, cela évolue vite. Mais au-delà des pétitions de principe, et de l'éthique égalitaire, on ne défait pas en quelques générations ce que la Nature (la méchante !) a lentement tissé en des milliers de siècles. Il y a d'évidence des domaines où l'on excelle plus ou moins ; et nous, hommes, auront beau changer les couches de bébé avec méticulosité, n'atteindrons pas un niveau d'excellence. Pas davantage, la grande majorité des femmes ne sera pas fascinée par les mystères d'une pompe d'injection.
Platitudes que tout cela. Si j'en reviens à mon expérience personnelle (qui ne peut passer pour une vérité statistique), et à ce que j'ai observé autour de moi, je constate que bien rares sont les femmes qui trouvent dans la plaisance au long cours de véritables satisfactions. A dire le vrai, celles que j'ai eu le plaisir de recevoir n'ont pas manifesté un engouement très vif, non pour la balade en soi, les baignades, etc, mais pour tout ce qui forme, bon gré mal gré, la réalité de la vie nautique à plein temps. Le partage des tâches, je parle de toutes les tâches, continue de jouer. Et plus d'une fois j'ai ronchonné : "Entre ce qu'"elles" ne savent pas faire, ce qu'"elles" n'ont pas envie de faire, ce qui est trop dur, trop salissant, trop difficile, trop risqué, etc, il reste quoi ? Des corvées qu'il faut partager ?"
J'ai bien sûr rencontré des couples heureux, sur des bateaux au long cours. Souvent, c'étaient des couples qui avaient débuté ensemble leur projet. Rarement, c'étaient des couples où la femme avait suivi son bonhomme de mari, pour le meilleur et pour le pire. Je mets un bémol quand même. Bien souvent, le cap'tain ne met pas beaucoup de persévérance quand il s'agit de convertir sa chérie en une véritable équipière, à égalité avec lui. Les plaisirs virils de s'affirmer !
Hélas, la patience et la bonne volonté n'ont pas forcément les résultats espérés. Et, de la même façon que certains hommes se montrent à peu près incapables de préparer un repas convenable (la faute à leur maman ?), beaucoup de femmes rechignent devant la clé à molette : ce n'est pas "leur truc". Elles se dévoueront aux casseroles et à la balayette, laissant Monsieur se débattre avec les toilettes récalcitrantes (trop compliqué, trop sale, etc).
Et après tout, pourquoi pas ? L'important, n'est-ce pas de trouver son plaisir comme on le sent, sans obéir à de quelconques principes ?
Une triste anecdote, pour terminer. Un couple de plaisanciers (allemands, je crois). Une attaque de pirates en mer. L'homme est tué. Elle est incapable de naviguer seule. Le bateau s'est échoué sur les Roques. Elle a fini par être repérée, après trois jours de dérive, par des pêcheurs vénézuéliens... A la dernière extrémité.
On en tirera les leçons qu'on voudra.
​René dans son Rio
Le marin du mois


Propos recueillis par Caroline L. en Mars 2013